CX Story

Dernière édition par La DuF le Lun 22 Nov 2004 13:16, édité 1 fois

Je vais vous raconter une histoire qui commence en 1977…

À cette époque, mes jeunes apprentis padawan, on a déjà inventé l’imprimerie, l’aéroplane et l’électricité, et il y a déjà des motos sur les routes….

Parlons des plus connues :

Chez Honda, depuis 69, la star est le premier 4-cylindres en ligne grand public, le célébrissime CB750 Four, que des générations de jeunes motards ont appelé « la quatre-pattes ». Cette maman est à l’origine de toute une famille de quatre-pattes un peu moins célèbres, la CB500 Four en 1971, la CB350 Four en 1973, la CB550 en 1975…

Chez KAWASAKI, on voit naître la Z900, le premier 4-cylindres 4-temps de la marque, avec un double arbre à cames en tête, comme les HONDA Four. Elle donnera naissance, en 1973, à la légendaire Z1.

Chez HONDA, agacés par la Z900, qui bouffe des parts de marché à la quatre-pattes, on lance un nouveau style de moto : refroidissement liquide, distribution par courroie, faux réservoir cachant un coffre, 4 cylindres à plat, c’est la GL1000 « Goldwing », dont les rejetons, un peu hypertrophiés du moulbif, continuent la brillante carrière.

SUZUKI pond la GT500 et KAWA la Z1 750 (et pas la GS750, crétin !!). Au fait, la Zedmeule version 750 de l'époque est un twin...

En Europe, l’année dernière, en 76, MOTO GUZZI a sorti la 850 « Le Mans ». Fidèle à l’image de la marque, c’est un gros twin en V perpendiculaire à la route.

Une étoile filante : MOTOBÉCANE, qui a déjà essayé de conquérir le marché français des 125, a lancé en 73, un curieux 350 3-cylindres 2-temps. Cette moto fera rigoler pas mal de monde : chaque cylindre latéral a son pot à lui, mais le cylindre du milieu respire par un pot 1-en-2 !!! Et ses deux silencieux maigrichons, qui sont censés lui donner un look viril de quatre-pattes, seront affectueusement surnommés les « tringles à rideau ».

Côté allemandes, la BMW R90S est là depuis 74. Très remarquée grâce (ou à cause de ?) ses deux couleurs d’origine : un orange métallisé et un vert pétard à paillettes. Et, depuis le début de l’année, elle est accompagnée par le R100 RS, une machine de grand tourisme avec imposant carénage. Cette machine et ses suivantes (la famille des RT) feront également le bonheur de générations de motards de police et de gendarmerie.

Et les anglaises ?? les productions de NORTON (Commando) et TRIUMPH (Bonneville) sont prestigieuses, mais restent hélas confidentielles en France. Ceux qui n'ont jamais posé leur mains sur le guidon d'une Bonneville ne peuvent pas savoir...

Qui s’en souvient ? Depuis le 1er Janvier 1975, toutes les motos doivent circuler en feux de croisement.

L’année dernière, en 76, une jeune spectatrice des runs sauvages de Rungis est tuée accidentellement. Les motards demandent d’urgence des crédits pour la construction d’un circuit en banlieue parisienne. Le Ministre de la Jeunesse et des Sports de l’époque, Jean-Pierre SOISSONS (oui, oui, déjà lui...), donne son accord le 11 janvier 1977. Le circuit sera inauguré le 1er décembre 1979.

Souvenez-vous, cette jeune fille s’appelait Carole.

Le décor est planté, c’est à ce moment que… tadaaaaa

En décembre 1977, MOTO JOURNAL publie, dans son n° 341, l’essai d’une machine de pré-série prêtée par HONDA, la CX500. L’article commence par les mots suivants : « Étrange moto, et quel choc en la découvrant !!! Elle ne ressemble à aucune autre » !!

Bon, on va évacuer tout de suite le débat esthétique, l’unanimité est quasi-totale dans la presse et chez les motards : elle est moche ! Un petit capotage ridicule englobe le phare et les compteurs (on ne peut vraiment pas parler de carénage), elle a un feu arrière digne des bagnoles américaines des années 60, elle a un moulbif plutôt mastoc, sans ailettes de refroidissement,… Pour la cote d’amour, c’est pas gagné !!! Mais sinon, quelle bécane !!!

HONDA MOTORS a conçu une machine de 50 chevaux, annoncée pour 180 km/h (bon, OK, là, on abuse un peu), très ciblée vers le marché européen et bourrée de nouveautés. En fait, c’est presque une anti quatre-pattes :

Avec son bicylindre en V ouvert à 80°, perpendiculaire à la route, la CX500 est la première machine japonaise équipée d’un TWIN en V refroidi par eau.

La CX500 est la première bécane japonaise à être équipée d’une transmission secondaire acatène. OK, rassurez-vous, moi non plus, j’ai pas compris la première fois… En français, « acatène », ça veut dire « sans chaîne ». Il s’agit d’une transmission par arbre et couple conique, plus communément appelée transmission « à cardan ».

La CX500 est la première machine équipée en série de pneus « tubeless », c’est-à-dire sans chambre à air.

C’est la première bécane HONDA dont la boîte de vitesse, intégrée au carter, est située SOUS le moteur et non derrière, contrairement aux Guzzi et Béhème de l’époque.

De plus, cette boîte de vitesse tourne en sens inverse de celui du vilebrequin. Pourquoi, me demanderez-vous ? Ben, c’est pour supprimer le couple de renversement, dû à l’inertie de rotation du moteur et qui, sur les anciennes Béhème et sur les grosses bagnoles américaines fait pencher toute la machine lors des montées en régime brutales.

Et enfin, juste pour rigoler, c’est enfin la seule bécane dont l’axe du sélecteur est « à l’envers ». Ben si.

Cette bécane a immédiatement un gros succès : elle a de la personnalité !

Elle est un peu lourde (220 kilos), mais elle a un couple de folie pour l’époque, une transmission douce et sans à-coups. C’est aussi bien qu’une chaîne bien réglée, mais sans l’entretien… Et, moi qui vous cause, je me permettrai de rajouter « nananèère ».

Son moulbif est culbuté, ce qui va à l’encontre de la mode des doubles arbres à cames en tête, mais ça ne l’empêche aucunement de prendre 10.000 tours et sans vibrer comme une malade.

En 79, une version plus rigolote, la Custom. Pour ceux qui connaissent Cunégonde, mon petit cheval de fer, ben c’est elle. Un look un chouia plus cool, gros pneu arrière, selle à deux étages et surtout, YOUPI, le carénage immonde a disparu !!! Les rapports de boîte sont un chouia plus courts, c’est vraiment une bécane de balade cool, qui fera un tabac aux Zétazuni…

En 80, une fantaisie du législateur français modifie brutalement les conditions d'obtention du permis de conduire moto. On a alors le permis A1 en dessous de 400 cm3 et A2 au-dessus. Honda anticipe brillamment en adaptant un nouveau modèle, la CX 400, qui existera dans les deux modèles Classic et Custom, puis, plus tard, en modèle Eurosport (rarissime). 42 chevaux au lieu de 50.

En 81, apparaît la CX500 Turbo. Rappelez-vous, à cette époque, le « turbo » est à la mode, tout est turbo : pas une boîtaroues qui n’existe pas en Turbo Mazout, même les grille-pains et les ordinateurs sont Turbo !!!

Pour ce qui est de la CX, le bestiau est une véritable usine électronique. Elle respire maintenant 82 chevaux. Les motards qui ont les moyens découvrent dans la douleur le style de conduite « Turbo » : ils sont habitués à des générations de twins et de quatre-pattes bien progressifs, dotés d'une courbe de puissance sagement linéaire et plutôt faciles à maîtriser.

Malheureusement, beaucoup de pilotes s'enverront au tas avec cette brute, en se demandant où HONDA a bien pu planquer le moulbif supplémentaire, celui qui s'est mis à pousser comme un malade sans prévenir, à partir de 7.000 tours ?

Lors d’un essai organisé pour la presse par HONDA, sur le circuit de Montlhéry, la CX500 Turbo tiendra les 220 compteur face à une 900 F2 de la marque et enrhumera sévèrement une 750 F1, qui atteindra péniblement les 210 en saucissonnant comme une grosse truie au moindre courant d’air latéral…

En 81, apparaît, la version GL500 SilverWing. C’est une routière de taille moyenne, mais équipée comme les grandes : elle a un carénage de grande, une fourche et un mono amortisseur Pro-Link réglables, un guidon immense, c’est un vrai fauteuil. Elle aura un succès phénoménal, comme « GoldWing » du pauvre, chez les routards européens et américains peu friqués. Elle s’appellera là-bas SilverWing InterState.

Une version Eurosport naît en 82 : des jolies jantes, un Pro-Link, un cadre redessiné,… c’est pas vraiment une sportive… mais MOTO JOURNAL en dira que c’est « une moto agréable, sans histoires quel que soit le type de routes emprunté, et dont la partie cycle est un modèle du genre ».

La belle prend en 82/83 des vitamines et 68 chevaux, avec les version 650 Custom, Eurosport et SilverWing.

Pas grand-chose à dire du modèle Custom, c'est la même, mais en plus gros, avec quelques gadgets. Le modèle est rarissime en France.

La GL650 SilverWing est toujours la petite sœur de la Goldwing (qui respire maintenant 1200 cm3). Ce petit surcroît de puissance lui va plutôt bien…

Mais celle qui fait mal, c’est la Turbo… Dès le premier essai, MOTO REVUE la baptise « celle qu’on attendait ».Elle fait 100 bourrins, ce qui la met au-dessus de ses copines suralimentées de chez YAMAHA et SUZUKI : 90 pour la YAM XJ650T et 85 pour la SUZ XN85T.

Il n’y a que chez KAWA, que le Z750 Turbo, issu de la GPZ, fume 112 chevals. Mais voilà,… il est cher, très cher, encore plus cher.

En 1986, les productions sont arrêtées, le Twin en V ne plait plus, la mode passe…

Depuis, le culte est perpétué par des dizaines de clubs et des milliers de taré(e)s dans le monde. En France, c’est le CX Twinning Club qui rassemble les fondu(e)s de cette merveille. Et, manque de bol, y'en a un chez les MT...

N'attends pas avant de dire à tes potes que tu les aimes. Un jour, il sera trop tard...

Un grand merci a toi pour ce cours d'histoire motardesque

et donc tu as une machine qui etait super en avance sur son temps et qui durera + longtemps que certaines machines vendues maintenant

Nonce

Ha, depuis le temps qu'on l'attendait !!!

François, c'est un régal de te lire !!!!!

En espérant que c'est le début d'une longue lignée !!!

Après une première réaction

(avec le sourire), en lisant le début.... je suis passé à une lecture avisée, et intéressée, puis passionnante.....

et

pour ce magistral cours d'histoire du deux roues!!

One life. Live it !

ouah arpès 15 mn de lecture, j'usis bluffé ... merci pour cette tranche d'histoire hondaesque ami Duff !

vous cherchez un photographe ? un technicien photo ??? ---> http://www.photographe-gers.fr

La Duf, à mon tour de te remercier pour cette page historique. Qui plus est, tu réponds indirectement à une question que je me posais... pas plus tard qu'hier

. En effet, hier je suis allé chez Doumenq et j'ai été interpellé par une "vieille" Honda, estampillée "CX500 Turbo" (la même que sur ta photo). Et me suis dit : "Kécé ça?".
Ben maintenant j'ai une réponse

Merci de montrer qu'un forum peut aussi servir à ça

Salut, Djé !

Kikou La Duf!

Alors oui! Toute documentation sur la "bête" est susceptible de m'interresser

Quant à son éventuelle vente, je ne veux pas dire de bêtise mais autant que je sache, elle doit être à vendre...

Chat Peau Mr La Duf !
Une véritable bibliothèque chez les MT, de l'histoire...

exellent, F.D, de Dremil-lafage.. dans le 31..
un lecteur avisé qui ne cesse de nous regalé.

Super document, merci La DUF

Dommage que la lignée se soit arrêtée. Ca me botterait bien une CX 750 ou 900, moi qui aime le couple et le cardan.

Born to be wise

Aaaaaahhhh... Ce post suinte l'Amour (à défaut d'huile). Foul respect.

La route est longue mais la voie est libre.

Message supprimé sur demande de l'auteur

Quel tâââââââlent !

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