Bonjour à tous,
Je m'adresse à vous dans l'espoir que vous puissiez guider ma réflexion sur un sujet à propos duquel mon frère Alexandre et moi n'arrivons pas à nous mettre d'accord. Nous roulons ensemble depuis un temps qui se chiffre mieux en années qu'en semaines, et si notre idée de ce qu'est une Moto est la même (sans grande originalité je l'avoue, tant la supériorité en tout points de la marque de Bologne est une lapalissade), il n'en va pas ainsi lorsque nous considérons le cas, pourtant tout aussi répandu, que je vais de ce pas exposer à votre sagacité.
Il n'est pas rare qu'une promenade dominicale se voie agrémentée, au gré de la non-rectitude de nos chères départementales, d'une arsouille de bon aloi. Poignée vissée et pneus bien chauds, nous nous élancons pleins d'un entrain que bien des jeunots quadragénaires nous envieraient, l'un poursuivant, l'autre poursuivi, dans une de ces luttes éphémères dont il n'y a jamais de si belle qu'elle ne puisse, le soir venu autour d'un bon verre, se voir embellie encore d'un récit où la vérité le dispute à une exagération subtile et romanesque.
Le tableau maintenant posé tel un Renoir au Louvre, et j'en viens au délicat point de Philosophie Arsouillante qui me chargrine.
Une lecture attentive de votre forum me laisse penser que nous sommes d'accord sur le point suivant : dépasser en ligne droite, par la seule vertu d'une cavalerie supérieure, fait plus la gloire du constructeur que celle du pilote, et doit être banni de l'Arsouille. Exception faite, bien entendu, de l'art délicat du Freinage Tardif, qui, si il se pratique également en ligne droite, ne fait pas moins appel à la qualité de fixation des roustons du pilote qu'à la supériorité technique de sa machine. Il n'y a donc, au sein de l'Arsouille, qu'une seule façon de dépasser : en virage. Mais de quelle manière ? Epineuse question s'il en est !
Un dépassement par l'intérieur me paraît être la solution à privilégier : un différentiel de vitesse peu important ne suprend pas le dépassé, et la position du dépasseur, couché et en aval du dépassé, lui rappelle que l'humilité est une vertu et que lui-même pourrait être dépassé la prochaine fois. Ainsi, en dépassant par l'intérieur, je montre à mon adversaire que ma maîtrise technique me rend digne de le doubler, tout en lui signifiant que je reconnais la possibilité que lui-même me double au prochain virage, et de ce fait ne me rendrait pas coupable de vantardise. Il s'agit là d'une preuve de respect de l'adversaire, sentiment nécessaire et indissociable de l'Arsouille.
Mais ce cher Alex, noble âme parmi les justes, pense différemment, et ses arguments ne peuvent être négligés. En effet, il considère que l'extérieur est à préférer : l'important différentiel de vitesse nécessaire ne rend la manoeuvre que plus belle et la réserve à l'élite, tout en faisant état de la considération qu'a le dépasseur pour les risques qu'il fait encourrir au dépassé. Ainsi, seuls dépassent ceux dont la finesse du pilotage est réellement supérieure et le dépassé n'en conçoit aucune honte. Ce dernier sait également que malgré l'important écart de compétances, son dépasseur considère que le principal est que tous deux arrivent à bon port. Là est le respect.
Vous constatez donc que les arguments méritent d'être discutés et que la lutte est égale. Quel est votre avis ? Avons-nous, Alex ou moi, oublié de considérer un point subtil, qui pourrait nous mettre d'accord ?
Je vous remercie du temps que vous prendrez pour vous pencher sur notre problème, et vous demande d'excuser la longueur de ce texte (et encore, je n'ai pas mentionné la troisième possibilité, que défendait feu notre père : doubler par l'extérieur dans un virage à gauche, et par l'intérieur dans un virage à droite, afin de toujours présenter sa senestre, côté du coeur, au dépassé).
Cordialement,
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A. Terrieure
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